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Les sourires de Madagascar

Texte Emilie Suzanne Photo Julien Poupart

Le centre de Sabotsy-Namehana

Sabotsy-Namehana est situé à quelques kilomètres de Tananarive, la capitale de Madagascar, cette grande « île rouge » à 400 kilomètres des côtes est de la partie continentale de l’Afrique. L’association Les Enfants de l’Ovale a pu créer ici un centre grâce à Lina Randriamifidimanana, ancienne ministre des Sports, championne de tennis, et désormais présidente locale, qui était une amie proche de la femme d’un des membres de l’association. La montée des poteaux (c’est-à-dire l’inauguration) s’est faite en octobre 2010 par Philippe Sella.

Pour accéder au centre, on quitte la grouillante capitale et la route goudronnée pour emprunter les chemins de terre ocre de la campagne africaine. En passant le grand portail, c’est le calme soudain de la propriété qui frappe le visiteur. Le domaine semble coupé de l’agitation des faubourgs, enveloppé d’une douce quiétude. La grande maison, ancienne demeure familiale, comporte trois niveaux. Au rezde- chaussée, on trouve une grande salle de réunion-projection, avec, derrière, une cuisine qui permet de donner à manger aux enfants chaque fois qu’ils viennent faire de l’exercice. Au premier étage, les salles pour l’informatique, la couture, le matériel… Et au-dessus, des logements pour les éducateurs et le responsable du centre qui restent sur place.

Le sport collectif le plus développé

A côté de la maison, des vestiaires pour filles et garçons ont été bâtis. En contrebas, un terrain de rugby a été construit sur fond de rizière et avec Tananarive pour horizon. Une belle pelouse a été plantée. Enfin, on découvre un terrain de basket, et quelques préaux qui permettent de s’abriter du soleil et de la pluie, et de faire des activités ludiques comme du ping-pong.

Environ 300 enfants, âgés de 8 à 16 ans, viennent au centre (lors de tournois avec d’autres organismes similaires, jusqu’à 700 enfants peuvent être réunis). Ce sont des enfants de Sad-Nam ou des environs qui ont été attirés par le rugby – sur le « huitième continent », c’est le sport collectif le plus développé, avec près d’une centaine d’écoles pour Tananarive et sa banlieue.

Activités multiples pour des enfants défavorisés

Il y règne donc déjà une ambiance, un contexte rugby. Les parents sont ravis parce que les enfants peuvent venir jouer le mercredi, le samedi, les dimanches de tournoi et un peu pendant les vacances scolaires. Ils évitent ainsi de traîner dans la rue : ce sont des enfants défavorisés, issus de familles très pauvres.

Ils trouvent ici, en plus d’un repas complet, un véritable espace de jeu et de rires. Naturellement solidaires, ils témoignent d’un esprit de partage naturel, d’un sens de la vie en communauté. Pas de chichis, pas de chamailleries. Juste le plaisir de s’amuser ensemble et la fierté d’être pris en photo. Les enfants accèdent également à d’autres activités telles que des cours de français, de l’informatique et même l’entretien d’un potager près du terrain qui leur permet d’apprendre à cultiver des légumes et des herbes – à Madagascar, la grande majorité du peuple, faute de moyens, s’alimente presque uniquement de riz.

Engagement et scolarisation

Fautes de moyens également, l’absence de scolarisation est un des grands problèmes auxquels l’association se retrouve confrontée, comme nous l’explique Gilles Marchal, vice-président des Enfants de l’Ovale :

« Une des valeurs importantes que l’on veut transmettre est l’engagement. Si un enfant désire venir au centre, il doit s’engager à être assidu. On ne vient pas uniquement quand on en a envie. Cet engagement passe aussi par celui d’aller à l’école, que les Enfants de l’Ovale ne remplacent pas. En France, la scolarité est obligatoire, mais en Afrique, et en particulier à Madagascar, c’est un peu plus compliqué. On leur demande donc d’être scolarisés. Le problème que nous rencontrons depuis un an et demi, compte tenu de la paupérisation de l’économie malgache, c’est que de plus en plus de parents n’inscrivent pas leurs enfants à l’école. Certains préfèrent les envoyer mendier à droite à gauche, ou faire de petits boulots. Là-bas, la scolarité à l’école publique, avec les livres et le matériel scolaire, coûte 15 euros par an, ce qui est assez conséquent. Nous avons finalement pris la décision de prendre en charge financièrement la scolarité des enfants. Une fois que nous l’avons fait pour certains, nous l’avons fait pour tous. Il faut bien sûr vérifier que l’argent que l’on donne sert bien à aller à l’école et pas à autre chose. Pour cela, nous payons directement les établissements scolaires et nous demandons à avoir connaissance des bulletins de notes pour vérifier que les enfants font des efforts. »

Trouver des éducateurs est un peu plus aisé et le recrutement s’effectue avec des responsables locaux. Bien souvent, ce sont des joueurs de rugby qui ont du temps à consacrer, ou des étudiants. Gilles Marchal précise :

« Ils sont défrayés. N’oublions pas que nous sommes dans des pays pauvres. Le bénévolat, c’est une affaire de riches. On tient aussi à les défrayer car cela permet de garder les bons et de ne pas garder ceux qui ne conviennent pas. A partir du moment où l’on reçoit une indemnité, on a des droits et des devoirs. C’est le cas dans tous les centres. »

Un grand potentiel de développement

Certains jeunes de 17 ou 18 ans qui étaient auparavant au sein des Enfants de l’Ovale sont même devenus animateurs sportifs pour l’association. D’autres viennent demander de l’aide afin de créer des clubs de rugby pour qu’ils puissent continuer à jouer, mais ce n’est plus du ressort du centre. Mais dans d’autres pays, l’équipe essaie de faire de l’insertion sociale, d’aider les jeunes à trouver un stage, du travail. Gilles Marchal évoque aussi le centre satellite de Lazaina inauguré en mars avec Pierre Villepreux :

« Il est plus près de la population pour les activités rugby. Les enfants viennent d’assez loin pour le centre principal, certains marchent cinq ou six kilomètres à pied. Nous essayons, là où il y a une concentration d’enfants, de créer un satellite, avec un gardien, une maison où l’on peut faire la cuisine et mettre un peu de matériel. Il y a un préau en cas de pluie et un terrain à proximité sur lequel les enfants peuvent jouer au rugby. Ensuite, pour les activités non-rugbystiques ou les compétitions, on prend le bus, puisque nous en avons un, et on les amène au centre principal. On a la chance d’avoir à Madagascar cet emplacement privilégié avec une maison qui nous permet de faire énormément de choses. Nous avons un grand potentiel de développement avec les satellites. Il y a une telle misère et tellement de choses à faire… C’est certainement un des pays où l’on pourra le mieux se développer. Et c’est le pays dans lequel nous avons le plus d’enfants. » Enfin, lorsqu’on lui fait remarquer l’omniprésence des sourires au regard des images du pays, Gilles Marchal conclue : « Les Malgaches sourient tout le temps. Je vais certainement dire une bêtise, mais plus on est pauvre, plus on sourit. Ils sont tellement contents d’avoir un tout petit peu plus. Quand on arrive – j’y vais une fois par an –, ils sont alignés en rang d’oignons, ils nous prennent la main pour nous montrer où en sont les arbres que nous avons plantés. Ils sont très accueillants. Et très souriants. Même dans la plus grande misère. Ce n’est pas facile de diriger, d’aller chercher des fonds, on a quand même quelques ennuis. Mais quand on y va et qu’on a le sourire des enfants, on repart pour une bonne période. »